ND LA NOIRE Michel DAGRAS VDM

ND LA NOIRE

La manifestation Haute création sous le signe de Marie se déroulera à la Daurade le 14 novembre prochain. Il est probable que certains trouveront l’idée saugrenue et feront même  la grimace. Pourquoi, estimeront-ils, se préoccuper aujourd’hui de vêtir une statue et qui plus est de robes précieuses alors que l’Eglise a bien d’autres chats à fouetter. Pénurie de prêtres, responsabilité des laïcs, réorganisation des paroisses, parole d’Evangile à dire dans et pour un monde en crise .... soucis précisés en quelques titres dans un quotidien de cette semaine : L’Eglise à l’écoute des souffrances du monde agricole ; Les évêques explorent les « exigences durables » de l’identité catholique…. Et pendant ce temps-là à Toulouse, à la Daurade, on s’occupe de renouveler en haute couture le vestiaire de la statue de Notre Dame la Noire !

La ville rose a connu des temps qui ne l’étaient guère ! Entre les grands incendies attisés par le vent d’autan, les crues meurtrières de la Garonne à la fonte des neiges, et les épidémies qui décimaient la population, les désastres n’ont pas manqué. Pour conjurer ces malheurs, les toulousains d’antan avaient alors coutume d’invoquer Notre Dame. Le sanctuaire de la Daurade, première église édifiée dans notre ville, lui était dédiée. La statue qui s’y trouvait était alors portée en procession pour que, devant elle, le feu s’éteigne, les flots s’apaisent, l’épidémie s’arrête... Au-delà du merveilleux cultivé par la religion populaire, retenons le sens profond d’une démarche de foi chrétienne : des fidèles se tournaient vers Marie comme vers le modèle parfait d’une humanité en relation intime avec le Christ. Un médaillon en céramique bleue, placé dans la chapelle où trône la statue, traduisait en effet ce message. On y voit Jésus offrir à une femme un ruban protecteur. Marie accompagne le geste de son Fils. Elle ne le remplace ni ne le supplante. Elle le sert.

Un ruban ! Pourquoi donc ? La dévotion initiale évolua progressivement de la procession aux manteaux. Offerts à Notre Dame en merci des citadins par des personnalités locales ces vêtements symbolisaient la protection mariale pour ceux qui, grabataires, en étaient recouverts. Pour des raisons de commodité on passa du manteau à la ceinture et une intention plus précise se fit peu à peu jour. La Maman de Jésus fut en effet invoquée pour l’heureuse délivrance des femmes enceintes. Depuis nombre de toulousaines, suivies par des femmes d’autres régions et d’autres pays, ont noué à leur taille un ruban bénit, reçu de Jésus par Marie, pour que grossesses et accouchements se déroulent dans les meilleures conditions. Ne sourions pas ! La vie et l’amour sont des mystères que les chrétiens – avec d’autres ! - croient enracinés en Dieu. Cette humble pratique, lucide sur ses risques de dérives magiques, l’exprime à sa manière.

Notre Dame de la Daurade est Noire ! On se perd en conjonctures sur l’origine de cette couleur. Un bois d’ébène ? Une pierre ? On ne sait ! Mais pourquoi ne pas saisir cette ignorance comme une aubaine pour ouvrir la piété mariale à l’universel ? Déjà Marie la juive devrait ébranler la bêtise antisémite de certains. Marie la palestinienne pourrait nous sensibiliser aujourd’hui au calvaire injustifiable des mamans dont on humilie et persécute le peuple au pays de Jésus. Et si Notre Dame la Noire, femme de couleur, proclamait le refus absolu du racisme au nom de la fraternité universelle fondée en son Fils ? Qui dénierait l’actualité de ces messages ?

Ils valent bien un merci filial avec le cadeau de quelques belles robes !

Michel Dagras